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Libération
Critique

Medvedkine, tourneurs-filmeurs

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Deux DVD et un livre retracent l'expérience militante de ces ouvriers cinéastes à l'usine.
publié le 22 février 2006 à 20h25

A l'heure où les soixante-huitards n'en finissent plus de galvauder leurs idéaux passés, où l'hyperconsommation est érigée en mot d'ordre de feu(e) la classe ouvrière, l'utopie libertaire des groupes Medvedkine (1967-1974), expérience unique d'un cinéma qui se voulait différent, brûle d'actualité. Dans le Doubs, à Besançon d'abord, à Sochaux ensuite, des ouvriers militants prennent au mot Chris Marker et Mario Marret. Ces deux-là sont arrivés en 1967 à Besançon pour filmer la première occupation d'usine en France depuis 1936, à la Rhodiaceta, filiale de Rhône-Poulenc. ça donne A bientôt j'espère, archétype de ce cinéma du réel qu'incarne Chris Marker, mélange d'engagement militant et de prise de position esthétique, que la censure d'alors ne rate évidemment pas.

«Soubresauts». Pourtant, Chris Marker le rappelle aujourd'hui, le film passe à la télé en mars 1968, grâce aux deux producteurs de Caméra Trois, Henri de Turenne et Philippe Labro, qui mettent leur démission dans la balance : «Stupéfaction et panique en haut lieu, raconte le cinéaste. Ça ne s'était jamais passé comme ça. Après des soubresauts divers, les dirigeants composent : ça peut passer, à condition qu'il y ait un débat après, avec des gens sérieux. Moi : "Et comment ! Ça ne peut que donner du relief à la parole de mes acteurs." Ce qui fut fait. Parmi les gens sérieux, Jacques Delors, qui concluait en disant que bien sûr ce jeune homme [Yoyo dans A bientôt j'espère !] était un peu fougueux, mais que le rendez-vou