Londres envoyé spécial
Stephen Dwoskin fait partie des cinéastes rares dont on attend chaque film avec fièvre et inquiétude. Il est l'un des plus grands artistes en activité. Qui le sait ? Pantin a fait une intégrale de son oeuvre il y a deux ans. C'était bondé, les gens sortaient avec les yeux comme des maxi 45 tours. Même choc à Rotterdam le mois dernier, lors de la rétrospective qui lui a été consacrée. Une oeuvre scandaleusement secrète et belle, comme un affront à la médiocrité générale, un cinéma vénéneux que Dwoskin nous envoie sous pli discret depuis Londres.
Il y a dix ans, ceux qui étaient trop jeunes pour avoir vu ses films, et n'en connaissaient que d'inoubliables photogrammes, l'ont découvert via Arte, qui avait pris le risque de programmer en access prime time, l'hallucinant Pain Is..., aveu masochiste d'un Dwoskin passant lui-même sous le fouet
d'une dominatrice dont les seins débordaient d'un fourreau de vinyle noir. A côté de ça, Dwoskin, dont le cinéma n'exclut jamais personne, laissait la parole à des gens, malades (comme lui cloué dans un fauteuil roulant par la polio depuis l'âge de 9 ans), ou intranquilles (intranquilles comme nous), qui disaient comment on tricote sa vie avec la douleur, la peur, la solitude et le plaisir, comment, vivant, on s'expose immanquablement au regard des autres.
La polio qui l'a frappé enfant est une saloperie, mais elle n'empêchera jamais son regard de courir où il veut, de parcourir les lignes du corps, de plonger dans les yeux