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Libération

Hirohito, un totem et un tabou

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Au Japon, qui s'y attaque doit anticiper des réactions forcément passionnelles.
publié le 1er mars 2006 à 20h30

Tokyo de notre correspondant

«Cher ami, les jeunes étudiants et certains syndicalistes peuvent être irrévérencieux à l'égard de l'Empereur, mais la majorité de la nation lui garde encore un profond respect mystique (...). J'ai constaté qu'il y a peu d'articles dans la presse qui touchent à ce point le plus névralgique des Japonais. Il ne faut pas oublier qu'un court message impérial fit désarmer instantanément les Japonais en août 1945.» Dans ces lignes que l'homme de lettres Kiyoshi Komatsu adresse le 13 juin 1960 à son ami André Malraux, tout est dit, ou presque, à propos du tennô Hirohito, devenu l'empereur Shôwa, ex-dieu vivant descendant de la déesse du Soleil Amaterasu, épargné par l'occupant yankee mais condamné, dès 1945, au statut bizarre et pitoyable d'empereur-symbole. Lorsque, à au moins trois reprises, le même Malraux le rencontre à Tokyo, l'ex-héritier des divinités célestes n'est plus qu'un homme pâle, livide, presque usé, noyé dans ses souvenirs. Sa Majesté n'affiche plus la forme olympique d'antan. Quand Hirohito reçoit Malraux dans ses salons, en février 1960, l'hôte français missionné par De Gaulle s'étonne d'abord de la laideur du lieu. La pièce, écrit-il, ressemble à un «salon de notaire». «Assis sur un canapé des Galeries Lafayette, semblable à celui du Négus, donc fort laid, le souverain, Chaplin mélancolique, avait ramené son regard vers le tapis.» (1)

Traumatique. C'est ce kami (divinité) ­ devenu souverain à 27 ans puis simple sujet en 1946, et mort e