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Libération
Critique

Morder à travers chants.

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«El Cantor», première fiction du diariste, revisite la tradition yiddish.
publié le 15 mars 2006 à 20h38

De Joseph Morder, cela faisait un certain temps qu'on attendait le «passage» au long métrage de fiction. El Cantor est le premier film d'un cinéaste de 57 ans, déjà connu et même culte, qui en a réalisé plus de vingt-cinq, filmant des dizaines d'heures sur tous formats et de tous genres, surtout des courts et des très courts, ou des documentaires, et célèbre pour le Journal filmé qu'il tient depuis ses 18 ans, en 1967.

Désordre. On connaît donc le diariste Morder, marqué aussi bien par le grand cinéma hollywoodien que par le bricolage de la Nouvelle Vague, par la comédie musicale comme par le mélo flamboyant, imbriquant dans ses récits à la première personne des fragments de mémoire d'un juif exilé à Guayaquil en Equateur que l'errance a mené de Paris à New York en passant par Berlin, Madrid, sans oublier une étrange contrée nommée Morlock. De ces influences et de ces pays, réels ou imaginaires, il a tout filmé.

On retrouve dans El Cantor tout l'univers un peu de bric et de broc de Morder. Mais comme épuré par le grand vent et les avenues tirées au cordeau qui règnent sur la ville où il a choisi refuge : Le Havre et sa mer, la ville du béton, des froids cieux d'azur et des lignes droites. C'est la première chose qui frappe en voyant El Cantor, comment le désordre s'empare peu à peu des lieux très organisés (la maison, l'hôtel, le cabaret) d'une ville prise d'assaut par le capharnaüm du juif errant, posant sa caméra en y tirant des cadres impeccables.

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