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Libération
Critique

Le Congo, barge

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Etat des lieux du pays au fil d'une descente du fleuve.
publié le 5 avril 2006 à 20h50

En remontant le fleuve Congo, Thierry Michel ne plonge pas seulement «au coeur des ténèbres» africaines. Il nous dévoile la Belgique comme jamais on ne la voit. Une Belgique en creux, prédatrice, cruelle, voluptueuse, bigote et civilisatrice, nostalgique de sa brève épopée coloniale, un peu honteuse de cette fièvre mégalomane qui l'a amenée à administrer un territoire 80 fois grand comme elle. C'est d'ailleurs à son corps défendant que la Belgique a hérité, au début du XXe siècle, de l'immense territoire acquis par l'explorateur Stanley pour le compte personnel du roi Léopold. Pour contourner les réticences du Parlement, il avait fait du Congo une société commerciale de droit privé.

Vieil habitué de l'ex-Zaïre, le documentariste, qui avait signé l'excellent Mobutu, roi du Zaïre en 1999, a eu une idée aussi simple qu'efficace : remonter le Congo, le deuxième fleuve du monde, pour raconter au fil de l'eau le long naufrage et l'improbable renaissance du géant africain. 1 700 kilomètres de voie navigable entre Matadi et Kisangani, avant que rapides et cascades imposent un détour terrestre pour rejoindre le haut cours.

Le voyage débute à bord de l'une de ces grandes barges, des arches de Noé sur lesquelles s'entassent hommes, femmes, enfants et animaux. Le capitaine, aidé par des «sondeurs», slalome entre les redoutables bancs de sable qui prennent au piège les imprudents. Cela fait belle lurette que le fleuve n'est ni dragué ni entretenu. Ce qui n'empêche pas les fonctionnaires de