«La sécurité, la durée ne se trouvent que dans la routine quotidienne. A côté, c'est tout de suite la jungle. Tout Européen du XXe siècle le ressent confusément avec angoisse. C'est pourquoi il hésite à entreprendre quoi que ce soit qui pourrait le faire dérailler une action hardie, inhabituelle, dont lui seul aurait pris l'initiative. D'où la possibilité de ces immenses catastrophes affectant la civilisation, telle que la domination nazie en Allemagne.» Cette remarque sur la force de la norme, on peut la lire dans Histoire d'un Allemand (1), de Sebastian Haffner, récit fulgurant de la montée du nazisme que ce jeune bourgeois berlinois, alors stagiaire magistrat, vécut de l'intérieur dans les années 30. Il écrivit son livre alors qu'il avait fui son pays, en 1938, pour Londres. Lui-même n'a lutté qu'en prenant ses jambes à son cou. En Allemagne, l'«action hardie», l'héroïsme moral, viendront trop tard, et trop localement pour ne pas être facilement écrasés par le Reich alors triomphant. C'est ce que raconte Sophie Scholl, les derniers jours, reconstitution minutieuse de la capture de cette étudiante munichoise et de son frère Hans coupables d'activités de sédition antinazie au sein du groupe Die Weisse Rose, la Rose blanche, en 1943.
Remord. En Allemagne, Sophie Scholl est devenue une figure emblématique de ce que le pays ne fut guère, c'est-à-dire résistant face à l'évidente folie hitlérienne. Des lycées et des places portent son nom comme un remord. Sophie et son frère ét