Les spectateurs français ont de la chance. Alors que Klimt a été montré dans une version de 1 h 40 en catimini à Berlin, puis ainsi exploité en Autriche dans la plupart des salles, il sort aujourd'hui en France dans le montage qu'a voulu Raoul Ruiz, pourvu d'une demi-heure supplémentaire. Même si le charcutage a été opéré, à la demande du principal producteur autrichien, par l'ancien monteur de Barry Lindon, il n'en est pas moins pervers et révélateur : la plupart de ce qui fait l'intérêt de ce film ses divagations, fantasmagories, répétitions, résurgences, jeux de renvois et de miroirs, ses dédoublements et ses escamotages , tout a sauté au profit d'un récit linéaire et moins encombré. En un mot : normalisé.
Apocalypse joyeuse. Passer de cette manière Ruiz à la moulinette, c'est ne rien comprendre aux visions baroques d'un cinéaste que toute linéarité assèche, toute progression dramatique ennuie, toute logique de scénario insupporte. Comme si Ruiz avait filmé ce Klimt sans le génie de Méliès. Or, le maître de la magie Belle Epoque est précisément le double du héros d'un film qui nous apparaît comme le cousin (tout à fait germain) du Temps retrouvé adapté pour Paulo Branco voici sept ans. Méliès et Proust sont les deux figures tutélaires, inspiratrices et protectrices, de Ruiz, cinéaste qui n'est jamais si virtuose que replongé dans l'Europe d'il y a un siècle, celle de l'apocalypse joyeuse et des expérimentations tous azimuts.
L'entrée du film dit cet esprit et cette forme