C'est l'histoire d'un petit gars de Montréal, beau comme un fromage à la crème, qui refuse son homosexualité entre 1967 et 1980. Il se saoule de Pink Floyd, de Stones, de Bowie et préférerait ne pas être un fif, c'est-à-dire une fifille, un pédé. Il veut ressembler à son père, la dévotion pour Aznavour et Patsy Cline en moins, peut-être. C'est «mort ou fif», comme dans cette très sérieuse étude réalisée par l'Université de Laval qui pointait naguère «la face cachée du suicide chez les garçons» québécois (1). Et pour se suicider, le héros de C.R.A.Z.Y. ne lésine pas sur les moyens. Né un 25 décembre, Zacharie suit un parcours aisément reconnaissable, tombant et se relevant, soignant quelques lépreux au passage, avant la scène de sacrifice finale, mort et transfiguration où l'on aura un prêté pour un rendu, un agneau pour un Isaac.
Sac religio-oedipien. Vu de ce côté-ci de la langue française, on a un peu de mal à comprendre comment un type qui ploie sous la culpabilité au sein d'un film louangeant la famille a pu fracasser le box-office québécois. Et assumer (à grand-peine) sa différence en marchant sur les pas du Christ, est-ce bien raisonnable ? A moins que le message de C.R.A.Z.Y. ne soit justement que Jésus était homo, hypothèse soulevée par le père de Zach dans une scène de lavabo multi-comique : «Y a des fois, je m'demande qu'essé qu'on fait à prier un gars aux ch'veux longs qui se tient avec une gang de gars qui s'promènent tout en jaquettes. C'est louche.» La jaquett