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Libération
Critique

Kertész hors texte

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Adaptation du Nobel de littérature, en moins radical.
publié le 3 mai 2006 à 21h07

Prix Nobel de littérature en 2002, l'écrivain hongrois Imre Kertész a lui-même signé l'adaptation d'Etre sans destin, son premier roman publié en 1975, texte largement autobiographique dans lequel il raconte sa déportation, à 15 ans dans différents camps de concentration, dont Auschwitz. Le chef opérateur Lajos Koltai, dont c'est la première réalisation, s'est retrouvé à la tête d'une production coûteuse, présentée au festival de Berlin l'an dernier, qui a connu un grand succès en Hongrie.

Etre sans destin pose évidemment une nouvelle fois le problème de la représentation des camps et des déportés au cinéma. Kertész n'aime pas la Liste de Schindler, de Spielberg, mais avait publié un article, «A qui appartient Auschwitz ?» pour défendre la Vie est belle de Benigni, qui osait faire de l'humour avec l'holocauste. Pour l'écrivain, l'idée que les camps nazis soient le mal absolu et la destruction massive des Juifs une limite de la représentation ne tient pas debout. Comme il l'écrit dans un autre livre, Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas : «Ce qui est réellement irrationnel et qui n'a vraiment pas d'explication, c'est pas le mal, au contraire : c'est le bien.» Le film n'a pas la capacité d'assumer ce que l'écriture de Kertész a de si marquant et moralement audacieux, cette distance ironique du narrateur qui accueille une à une les horreurs de son parcours avec une espèce d'indifférence amusée, allant jusqu'à évoquer la «paix, la quiétude et le soulagement» qu'il ressent alor