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Libération
Critique

Sève tropicale

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publié le 18 mai 2006 à 21h16

Une fois n'est pas coutume : après le naufrage Da Vinci (lire ci-contre), c'est à la sélection Un certain regard que l'on doit d'avoir sauvé l'honneur cinéphile du plus grand festival du monde. Il était là, le véritable «film d'ouverture», celui qui frappe les trois coups du cinéma, fait hurler la sirène du grand départ et après lequel le navire cannois peut voguer sur les flots de sa 59e édition. Cap sur l'Amérique du Sud, donc, et cette enclave exclue de notre histoire, ce trou noir de la géopolitique moderne, le Paraguay.

Pas besoin d'avoir vu le visage de la réalisatrice Paz Encina pour savoir qu'elle a de très beaux yeux : on le devine dès la première scène à son regard, noble, direct, doux, superbe. Ce regard formera le seul axe, aussi tendre qu'obstiné, de Hamaca Paraguaya, premier film de cette Paraguayenne de 35 ans, et le seul jamais tourné dans son pays depuis les années 70...

Le cinéma est une cartographie de l'humanité et de ses territoires et c'est toujours avec une troublante émotion que l'on assiste à l'apparition, sur cette mappemonde, d'un nouveau pays, lorsque c'est à la faveur d'un film de cette qualité. Le Paraguay existe désormais : Paz Encina l'a placé sur la carte, imprimé sur nos rétines et définitivement enfoncé dans nos crânes.

Sortilège. Cette première scène nous présente Candida et Ramón, vieux paysans de langue guaranie, qui dialoguent à propos de leur fils parti à la guerre et dont ils sont sans nouvelles. Au loin, une chienne aboie. Dans le ciel,