Une femme cachée derrière la colonne d'un temple en ruine observe un homme penché sur un appareil photo. Le soleil cogne, on entend les insectes dans la fournaise. La femme baille, transpire. Plus tard, elle pleure, et c'est sur ses larmes, sous la neige, ailleurs, qu'on la retrouve encore à la fin du film. Les Climats (Iklimler), troisième long métrage de Ceylan (après Nuages de mai et Uzak) est une oeuvre aux résonances privées dans laquelle le cinéaste tient le rôle principal aux côtés de son épouse, Ebru Ceylan (lire page 33). Il dépeint le délitement du rapport amoureux, l'incompréhension entre ceux qu'unissait hier la certitude heureuse de la réciprocité. Les Climats invoque les mannes de Rossellini (Voyage en Italie) et Antonioni (le Désert rouge), poursuit leur travail de mise en doute des sentiments. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. La modernité s'est attachée à perdre ces preuves et à instruire le dossier à charge.
Lui, Isa, est maître de conf' à la fac ; elle, Bahar, bosse pour des fictions télé. Des vacances à la mer défont les derniers liens. Revenu à Istanbul, Isa retrouve une ex-maîtresse dévergondée, Serap. Leurs rapports sexuels sont brutaux, comme lors d'un long plan séquence hallucinant où Isa lui saute dessus, déchire ses vêtements, la gifle quand elle se débat et l'oblige à bouffer une noisette. Les manières d'Isa relèvent de la parade machiste et ce coït à terre est une «simulation» de viol. Repu et néanmoins insatisfait, Isa part