Le Caïman, que l’on découvre aujourd’hui à Cannes puis dans les salles françaises, souffre d’un décalage horaire avec l’Italie. Car Nanni Moretti l’a d’abord pensé comme un film à sortir de l’autre côté des Alpes en pleine campagne électorale c’était fin mars. Il nous arrive ici après la bataille, le propos du film prenant alors une tout autre couleur, sûrement plus intéressante encore : non plus le film à charge, mais le portrait d’une population en état passif après une décennie de berlusconisme actif. Une Italie qui serait «comme une démocratie», puisqu’il n’est pas interdit de filmer, dire ou écrire du mal de son président du Conseil, mais où ce droit d’usage des images n’est tout simplement pas exercé. Le Cavaliere commandant précisément en coupe verticale les trois principales chaînes de télévision du pays pour que passe l’envie à quiconque de se risquer au jeu, dangereux de conséquences, du portrait politique au vitriol.
Arlésienne. Personne, sauf Bruno, producteur de cinéma raté. Et tout sauf un héros gauchiste. La cinquantaine, il a passé les années 70 à produire des nanars d'action sexy qu'il vendait comme antidote à «la dictature du cinéma politique». Il a naturellement épousé l'une de ses anciennes actrices, lui a fait un gamin, s'est ramassé quelques échecs commerciaux cuisants, et se retrouve en 2005 en phase de largage total : sa femme se tire avec un musicien et il vivote en essayant de monter un projet Arlésienne sur Christophe Colomb avec un cinéaste graba