Jusqu'à ce deuxième film de Paolo Sorrentino, on ne savait pas qu'être «l'ami de la famille» pouvait être un métier. En l'occurrence, le travail au noir de Geremia, un sexagénaire qui vivote dans la confection et qui arrondit ses revenus par un artisanat autrement plus lucratif: il est l'usurier du quartier, qui avance les milliers d'euros manquants quand un jeune couple veut se payer un nouveau presse-purée, une famille investir dans un mariage ou une vieille dame se payer l'opération de la dernière chance à Paris.
Ce qui singularise l'activité de Geremia, c'est qu'elle est monstrueuse. Parce que ses prêts sont toujours à des taux exorbitants, et parce que Geremia lui-même est un monstre qui cumule toutes les antipathies : laideur, méchanceté, radinisme, cynisme. Pourtant tout le monde surnomme cette ordure «coeur d'or». L'acteur Giacomo Rizzo, qui l'incarne (comme un ongle), est une vedette du théâtre populaire napolitain et il ne se ménage pas dans le genre escroc gluant qui sert du «ma dernière pensée sera pour vous» en faisant les poches des misérables. Tout autour, ce n'est guère plus fameux : un cow-boy d'opérette, une jeune émigrée de l'Est qui n'aspire qu'à détrousser plus pauvre qu'elle, plein de minables et la maman de Geremia, baleine échouée sur son lit, qui ingurgite plusieurs paquets de chips à l'heure en dévorant les programmes animaliers sur sa télé grand écran. Et la très jolie Rosalba, élue Miss du patelin qui par un effet «belle et la bête» deviendra l'amo