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Libération
Critique

C'est l'extase.

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publié le 27 mai 2006 à 21h22

Serait-ce le film, qu'en toute honte, on a failli rater ? Se présentant avec grande austérité, 110 minutes presque muettes dans quelque campagne de la province catalane de Gérone, Honor de cavalleria d'Albert Serra avait tout, a priori, pour rebuter le festivalier dont la bougeotte (courage, fuyons !) est devenue au fil des jours le mouvement naturel. Or, à peine installé devant le film, c'est exactement le contraire qui se passe.

L'agitation cesse et c'est le mouvement même du cinéma qui nous gagne et nous emporte. Adapté du Don Quijote de la Mancha de Cervantès, le film est une leçon d'inspiration, avec sa façon de puiser à la substance même du roman son infra-monde et son essence. Sans Dulcinée ni aucun moulin à l'horizon, le minimum de costumes et d'accessoires suffisant à la citation d'époque, éludant tout ce qui relèverait de l'épique, l'image règle sa cadence sur le pas tranquille des marcheurs, suit des yeux la déambulation du vieux Quichotte et du gros Sancho pansu. De très près ou de très loin, les voilà, de l'aurore au crépuscule, qui cahotent sur les chemins de pierre, s'arrêtent à la fraîche d'un chêne liège, se baignent dans le creux édénique d'un torrent, pique-niquent de noix et de fromage au bord de l'eau , fauchent des herbes médicinales (laurier, thym, fenouil sauvage), bivouaquent dans les sous-bois, s'assoupissent, souvent, et dorment, enfin, quand à la brune, Dieu montre le chemin de la mort à Quichotte et lui dit «viens !». C'est un appel murmuré, une r