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Libération
Critique

Costa bravo

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Cannes 59ème Festival. Une plongée saisissante du cinéaste portugais dans les bas-fonds capverdiens de Lisbonne.
publié le 27 mai 2006 à 21h22

Il n'y a pas d'histoire, de fiction ni de scénario dans Juventude em marcha, mais on peut quand même le comprendre, l'admirer et l'interpréter : le film raconte, sous toutes ses formes et dans tous les sens, un processus d'adoption. Adoption par le cinéaste de la diaspora capverdienne jusque dans ses plus bas-fonds, cette fois Ventura, vagabond de la banlieue de Lisbonne, dont il a fait son acteur, son personnage principal, son héros. Adoption par ce Ventura de quelques personnages secondaires, dont il fera ses «enfants» et qui l'appelleront, par convention, «papa» : junkies, sans-abri, chômeurs, zonards, paumés... mais en fait, et avant tout, de très belles personnes. Adoption par le film de leurs histoires, qu'il endosse comme on enfile une chemise, lambeaux de fictions désolées, qui protègent l'oeil et le coeur d'un dénuement humain si absolu qu'il brûlerait trop fort.

Fauve. Oui, sans doute : «Je est un autre» et blablabla. Le «Je» de l'homme Pedro Costa n'est certainement pas plus fort ni plus malin que Rimbaud et Freud réunis, et il n'échappe pas plus que nous tous à la fatalité introspective de l'homme occidental. En revanche, son Je de cinéaste au boulot consiste à y résister, à ne jamais laisser s'infiltrer un gramme de ce Moi qui dégouline partout alentour. Son Je est l'autre, ou du moins tend au maximum à l'interpénétrer, l'habiter, le devenir. Cependant, loin de toute empathie Unesco, lorsque Costa s'absorbe dans l'Autre, et nous absorbe avec, c'est plutôt par une