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Libération
Critique

Dans les limbes de la solitude

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publié le 31 mai 2006 à 21h24

L'anagramme tombe (trop?) sous le sens. L'acteur Philippe Nahon joue Philippe de Nohan, acteur de la Comédie-Française parti au siècle des Lumières à la conquête des Amériques et qui, suite au naufrage du bateau sur lequel il voguait, se retrouve échoué sur une île déserte. Gouverneur autoproclamé, tour à tour dérisoire et émouvant, abattu et valeureux, prosaïque et habité, le personnage n'a de cesse de lutter contre sa propre déchéance et d'entretenir l'illusion d'une vie sociale au milieu de nulle part. Avec, en toile de fond, cette question lancinante ­ parfois lourdement argumentée en voix off ­ du statut de comédien, aussi bien maître des illusions que pantin, puisque dépendant du regard d'autrui. Or, le jour où ce public ne se résume plus qu'à un chien, quelques chèvres et des épouvantails emperruqués pour rappeler le souvenir évanescent des courtisanes, que reste-t-il ?

Pour qui n'aurait pas encore fait le rapprochement, Vendredi, ou un autre jour est la libre adaptation de Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier (dont le réalisateur Yves Le Moine avait déjà transposé le Nain rouge) qui, lui même, digressa (à partir de 1967) en trois versions sur les Aventures de Robinson Crusoé de Daniel Defoe et autres récits tournant autour des «effets de la solitude sur un homme».

Durant les 45 jours de tournage, Philippe Nahon (Seul contre tous, Calvaire, le Pacte des loups) en a passé plus de la moitié seul. «Ce fut un rôle énorme que j'ai été franchement gonflé d'a