Le risque pour un réalisateur, lorsqu’il tient un trop bon sujet, est de se laisser dévorer. De perdre la main. Lorsque le réalisateur s’appelle Karl Zéro et que le sujet est «Jacques Chirac vu par la télé», il était probablement inévitable que le second, qui a la peau dure, prenne le dessus. On rit beaucoup à Dans la peau de Jacques Chirac et on se délecte d’un salutaire exercice de civisme, puisque le film consiste à traquer les mensonges et les reniements d’un Président amoral. Mais son principal enseignement est artistico-politique : il montre que rien ne sert de s’intéresser filmiquement à un homme politique si l’on ne se déprend pas d’abord de l’hypnose télévisuelle qui a permis son avènement. La moquerie aurait pu être subversive, elle se contente d’être goguenarde. Elle ne dévoile rien, elle n’ouvre sur rien. Elle fait rire, puis fait pschitt.
Toc. Dans la peau de Jacques Chirac est né d'une idée formidable : remonter aux origines hertziennes d'un politicien hors norme, fouiller quarante années d'archives télévisées. En 1967, le jeune Chirac est nommé pour la première fois secrétaire d'Etat, avec le portefeuille prémonitoire de l'Emploi. Qui aurait pu se douter que, pour lui, ça le serait à vie dans les palais nationaux ? Belle gueule et phrasé en toc, il promet déjà «une certaine amélioration du marché de l'emploi». Car, depuis le premier jour, la déréalisation de la parole politique a été la drogue de Jacques Chirac. Des dizaines de saynètes l'attestent. Chaque phra