Une tête sort du mur, comme dirait Michaux, ou plutôt d'un tas de couvertures qui se confond avec le mur. C'est la pénombre, un bras s'étire, on reconnaît le grain de la mini DV aplatissant les matières, tissant le monde en tapisserie. Des dialogues s'emmêlent de chaque côté de l'écran. Au plan suivant, un vide ostentatoire : la fixité d'un morceau de table avec un coin d'imprimante à jets d'encre en haut à droite ; un bout de pot à crayons en bas à gauche ; un cadre photo éborgné dans le coin au-dessus. Et un interminable dialogue hors champ sur la taille de la casse à employer, de la mise en page, avec quelques bruits de clavier. La salle bouillonne, on jubile au fond de son fauteuil. Il n'y aura que vingt-trois plans, tous immobiles, dans ce premier film radical, affichant donc chacun une durée moyenne de cinq minutes une éternité au cinéma.
Fracture. Oxhide (en anglais «cuir», puisque cela se passe chez des maroquiniers) est le second ovni postcannois de la semaine, d'une beauté écrasante, un film qui vous mange les yeux après les avoir attachés. Puisque le principe qui consiste à restreindre le champ de vision à des portions d'espace presque insignifiantes est finalement assez bondage. Il faut se soumettre pour aimer Oxhide. Et c'est précisément quand on ne voit presque plus, qu'on s'est habitué à l'étroitesse (à «l'angoisse», dit la réalisatrice), qu'on voit beaucoup mieux. Chaque plan est un rien traversé par l'évidence, une épiphanie, tel ce train qu'on aperçoit fil