Il avait du temps et rien à vendre. Il était à Cannes, assis en terrasse, au premier étage d'un grand hôtel avec vue sur la mer. Quelques mètres plus bas, agitation : un film, un autre encore, succès ou bien revers, chahut de la promotion, froissement des robes du soir, minutes de star mises aux enchères. Il présida à tout cela il y a quelques années, y fit scandale aussi en laissant macérer chair, tôle et sexe en plein Crash, y reviendra, c'est sûr. Un Cronenberg fait toujours couler beaucoup d'encre.
C'est bien un rendez-vous comme ça, avant le film, ses images, ses phrases abouties. Il a en tête des livres, des noms, des lieux où bientôt il posera sa caméra. Du temps encore pour le quotidien et la lecture du journal. Cronenberg enceint, l'échographie est intéressante. De cette silhouette flegmatique, aux yeux bleus et au parler très doux, va sortir un film plein d'épouvante. Sous ce grand front et sa parure de cheveux poivre et sel, germe un univers mental totalement déglingué. «En ce moment je suis essentiellement à la maison à Toronto avec ma famille. Ma vie de l'extérieur n'est pas très compliquée. Mais, émotionnellement et intellectuellement, c'est très compliqué à l'intérieur.»
Ses tout premiers films débordaient d'horreurs comme les cauchemars de l'enfance. Ceux d'aujourd'hui sont plus abordables mais traquent toujours la menace et le chaos. «Il y a une vieille tradition dans certaines cultures, dont la culture juive, selon laquelle il faut connaître les forces obscur