Hiératique, espagnole, droite, dure, pieuse. C'est ce qu'il y a de plus beau. Voilà... T'es belle ! Bouge plus, tu es hiératique et magnifique...» C'est l'indication impérieuse que donne Catherine Breillat à son actrice, Asia Argento, au matin du dernier jour de tournage de son onzième film, Une vieille maîtresse. «Pas le menton levé, c'est pas hiératique. Toute la douleur ressort, t'es mieux. On peut faire le close up...» Asia Argento est toute seule, perchée à dix mètres du sol, dans la tribune de l'église Saint-Augustin, froid et immense bâtiment du VIIIe arrondissement de Paris. L'actrice porte le deuil d'un ancien amour perdu, robe de dentelles ébène, toque rouge, et son oeil noir brille comme celui d'une Carmen au poignard. Breillat la dirige depuis le sol, campée dans son fauteuil, devant le combo. Entre les deux femmes, un ballon d'air et de lumière, de cinq mètres de diamètre, suspendu lui aussi à dix mètres du sol, se balance sous la nef de l'église comme une montgolfière, et diffuse une lumière douce marquant pourtant les ombres.
«Soufre». C'est aussi l'ambition du film, adapté d'une nouvelle de Barbey d'Aurevilly par Breillat elle-même. La cinéaste se sent en connivence avec l'écrivain du XIXe siècle : «Si j'avais vécu à son époque, on aurait été ensemble. Un dandy, à la réputation sulfureuse. Je ne suis pas sulfureuse, je ne suis pas une sorcière, je suis cinéaste, mais comme Barbey, qui n'était sulfureux que pour son époque de conformisme. Ce n'est pas moi qui s