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Libération
Critique

Ne plus rêver ? Plutôt crever.

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publié le 19 juillet 2006 à 22h00

Quand un jeune type, transpirant l'anxiété et la rage froide, descend d'un autobus de banlieue en pleine nuit pour rejoindre l'usine où il exécute un boulot mécanique, et quand la caméra l'accompagne en trois plans calmes, à bonne distance pour que rien de tout ce qui fait ce monde-là, cette vie-là, ce vide-là, ne soit trahi à l'image, restant à hauteur du mec, il n'échappe à personne que le film descend des marches d'une autre époque. Les années 70. Ces années-là ont échoué, on le sait.

Messianique. Dans les années 70, un cinéaste comme Fassbinder pouvait braver l'ordre bourgeois et appeler son film le Droit du plus fort, puisqu'il s'agissait d'opposer un rire acide au cynisme des classes dominantes. Aujourd'hui, un cinéaste belge de 45 ans n'entend pas baisser les bras devant ce qui chaque jour nous écoeure, et ne peut, à sa façon, que continuer la proposition tout en la transformant. Le Droit du plus fort, le titre est non seulement déjà pris mais il serait impossible à reformuler. Parce que le courage et la force manquent devant les plus forts. La différence entre Fassbinder et Belvaux, c'est qu'en trente ans, l'histoire et les échecs successifs des révoltes nous ont appris, hélas, qu'il fallait se faire une raison. Celle du plus faible, c'est justement celle qui ne voudra pas tout à fait renoncer, qui a encore raison de se foutre en boule. De réagir à vif, de résister, de recommencer les conneries aussi ­ s'il le faut. Cela vaudra toujours mieux que le somm