Menu
Libération
Critique

Langueur de Chine

Article réservé aux abonnés
par Ella MARDER
publié le 9 août 2006 à 22h54

Afin d'échapper au morne avenir qui les attend dans leur petite ville de Chine du Nord, Si Xu et sa compagne Xio Ping, deux adolescents en mal d'avenir, s'embarquent vers la fortune, soit le point de vente de spores de champignons aux vertus curatives qu'ils ont l'intention de cultiver pour les revendre au prix fort. Et le spectateur de voyager avec eux à travers des paysages moroses, une nature dénudée, immobile et froide, le long de routes sans fin où ni les voitures ni le soleil n'affleurent. Une première déconvenue ramène les deux fugueurs dans leur famille, mais l'espoir et l'endurance quasi aveugles qui les animent les poussent à repartir. Et le spectateur avec. Retour de ces étendues désolées, répétition des mouvements, redite, enfin, d'un patent désespoir. Car ce n'est pas la crédulité qui conduit ces jeunes gens à l'autre bout du pays, mais une envie déchirante de projets, de lendemain, de vraie vie.

Le duo assez attachant de ce road-movie ferroviaire, fluvial et pédestre tout à la fois, les longs travellings latéraux qui suivent ses marches étirées dans le temps et dans l'espace, le traitement à l'horizontale des plans, enfin l'absence presque totale de paroles supposée laisser parler d'elles-mêmes les images, ne sont pas sans faire songer à l'esthétique jarmuschienne en général, et à son film Mystery Train en particulier. Dans ce dernier, un couple de jeunes Japonais revient sur les pas du King, à Memphis, dans le même silence, la même lenteur, le même manqu