Ils ont tombé la veste. Ils courent en chemise et en bretelles, crosse de bois en main, à travers la lande comme les enfants d'ici. Ils crient, se bousculent de l'épaule, se taquinent du regard. C'est un match de hurling, le plus vieux sport d'Irlande. Un hockey sur gazon, plus rapide, plus sauvage, plus rieur. Ici, pas de terrain. Juste la campagne, les herbes hautes et l'orge penché par le vent. Ici pas de joueurs. Juste une poignée de paysans, d'amis rudes et de frères, comme Damien et Teddy. La partie est finie. Vestes sur l'épaule, cheveux en désordre, les gars rentrent à la ferme en parlant haut. Nous sommes en 1920. Ce doit être le printemps. La campagne frissonne. Tout est calme, reposé, fraternel. Sur le pas de sa porte, bonnet de dentelle et tablier bleu, la vieille Peggy accueille les garçons comme on attend le ciel. Il y a du feu dans la cheminée. Le thé est prêt.
Mauvais garçons. Et voici que surgit la meute. Une horde en uniforme vert sombre et fauve. Ils sont Anglais, arrivés par bateaux entiers pour prêter main forte à la lutte contre les républicains irlandais. Les Black and Tans ne sont pas des soldats réguliers. La plupart ont été démobilisés après la Grande Guerre. Ce sont des supplétifs, entraînés trois mois et lâchés en première ligne. A leurs côtés, on trouve aussi des mauvais garçons, des rôdeurs de quais attirés par les 10 shillings quotidiens qu'offre ici l'armée britannique. Ces hommes sont redoutés. On leur dit qu'ils combattent une force «dange