Ce qui est intéressant, et fondamentalement très pervers, avec l'Immeuble Yacoubian, que ce soit son bloc A (le livre) ou son bloc B (le film), c'est sa stratégie. Revendiquer à la fois le rôle de poil à gratter sociétal, peindre l'Egypte des années 90 sans omettre toute sorte d'arrangements avec l'homosexualité, la corruption, la prostitution, la violence policière ou religieuse, mais en prenant soin de ne jamais départir d'une narration traditionnelle. Le livre d'Alaa el-Aswany y gagnait par goût sensuel de la précision qui rendait épique la moindre description de rendez-vous amoureux. Le film n'a pas ce génie. Il n'y prétend pas. Ce à quoi il prétend est d'ailleurs par nature ambigu. Il pèse économiquement lourd, seule façon de faire taire la censure et de s'imposer face aux menaces. Pour exister, il devait obligatoirement être le plus gros budget pour un film arabe et se voir incarné par ses acteurs les plus célèbres, pour adapter un livre que tout le monde voulait interdire il n'y a pas quatre ans. Si bien que, pour celui qui ne mesurerait pas la portée de ce qu'il raconte, l'Immeuble Yacoubian pourrait apparaître sous tous ses atours comme un film égyptien épique et classique, dans lequel on pourrait même s'attendre à voir passer le fantôme de Farid el-Atrache. Sans doute parce qu'il a gardé ce petit goût de l'Infitah des années Sadate, qui avaient vu l'émergence d'une moyenne bourgeoisie ravie devant tout ce qui brillait. Il n'a pas le moralisme socialis
Critique
L'«Immeuble» tient debout.
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par Philippe Azoury
publié le 23 août 2006 à 23h01