Réputé austère, froid, Bruno Dumont, 48 ans, regard magnétique, se prête sans réticence au jeu de l'interview autour de son quatrième long métrage après la Vie de Jésus (1997), l'Humanité (1999), 29 Palms (2003).
Un point de départ ?
Je m'inspire aussi bien d'une photo parue dans le journal, d'images vues à la télé, de récits lus ou que l'on m'a racontés. Je combine, je compose, je n'essaie plus de travailler du point de vue de mon imagination, mais de partir du réel, autant du moins que je le perçois et qu'il est diffusé. C'est parce que je ne veux pas que le film soit une vue de l'esprit que je m'efforce de briser le scénario, les intentions de mise en scène, d'essayer de faire avec ce qui est là, les accidents, les événements que je ne maîtrise pas. Le scénario existe bien sûr, il fixe une ligne tendue mais je réécris beaucoup à partir du tournage qui me donne une matière contre laquelle je ne lutte pas, bien au contraire... Les scènes ratées, je les coupe, elles ne manquent pas. Je contrôle le cadre mais après, à la limite, je me contente d'attendre. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il se passe toujours quelque chose.
Vous partez du réel et, en même temps, le film efface sa dimension purement documentaire. Il y a un malentendu à vous considérer comme un cinéaste réaliste ou social...
J'ai une formation de philosophe et j'ai toujours envie d'aller à l'essentiel. Je ne me documente pas sur la réalité de l'agriculture dans le Pas-de-Calais, on ne retourn