Menu
Libération
Critique

Instants de survie

Article réservé aux abonnés
Ours d'or à Berlin, «Sarajevo, mon amour» évoque l'après-guerre d'une femme et sa fille.
publié le 20 septembre 2006 à 23h21

En remportant en février l'Ours d'or à Berlin, le premier film de Jasmila Zbanic allait au bout de son cahier des charges: sujet grave, film concerné, nécessaire, adhésion des jurys lavant une semaine de petits fours et de schnaps dans l'attribution d'une récompense suprême. Oui mais pardon... et le cinéma, là-dedans ? La question est d'autant moins saugrenue qu'il y a parfois du cinéma dans la mise en scène de Jasmila Zbanic, mais pas toujours là où on l'attend.

Inacceptable vérité. Le film reprend les cicatrices de la guerre civile entre Serbes et Bosniaques en suivant une mère et sa fille de 15 ans, toutes deux Bosniaques, et vivant à Sarajevo, dans le quartier de Grbavica, d'architecture encore toute socialiste. La mère bosse à l'usine la journée, et le soir comme extra dans un bar à moitié borgne. Comme elle tire le diable par la queue, l'argent devrait servir à offrir à la gamine le voyage scolaire dont elle rêve. Il n'y a pas d'homme dans la vie de Esma, la mère. Il y en a eu un, mais Sara, la petite, n'a pas eu le temps de le connaître. Il est mort au combat. Il ne reste pas même une photo de lui, peut-être quelque chose de vague dans les cheveux de Sara, et c'est tout. Il ne reste surtout pas de certificat assurant qu'il soit mort comme Esma le dit à Sara : en héros contre l'armée serbo-monténégrine.

Le film va s'employer à dépasser la légende pour remplacer ce père absent par une inacceptable vérité : Sara est le fruit d'un viol collectif. Elle vient d'une guerre à l