Une femme délaissée se mutile les lèvres avec des ciseaux de cuisine. Incapable d'exprimer son amour, un père de famille tue sa femme et sa petite fille. Une adolescente violée et torturée sort infirme de l'hôpital après un an de souffrance. Elle croise son bourreau, un vieillard pédophile sadique hanté par ses crimes. Ces trois courts métrages, Cutting Moments,Home et Prologue, sont autant de segments à la lenteur oppressante formant Family Portraits, premier film éprouvant de Douglas Buck.
Abnégation. Pendant huit ans, cet outsider new-yorkais a financé lui-même le tournage de ce pur bloc de souffrance, avec une abnégation qui tient de la catharsis et défie la critique. Son film existe aujourd'hui comme une illustration de cette phrase attribuée à Van Gogh : «La tristesse durera toujours.» Entouré d'acteurs amateurs au jeu minimaliste et quasi mutique, dont la fille de Nicholas Ray, cet ingénieur de profession, qui a payé sa pellicule en travaillant sur le montage électrique des aéroports JFK et La Guardia, s'est investi corps et âme dans cette trilogie conçue comme une «tentative allégorique de représenter l'Amérique». Sa vision, de la première partie surtout, est d'une violence tout simplement insoutenable. Si Douglas Buck se réclame de Bergman ou de Tarkovski, on pense plus souvent à Alan Clarke, réalisateur anglais de la première version d'Elephant et de Christine, sur une famille toxicomane, au récent et tout auss