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Gillo Pontecorvo, l'arme à gauche

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Cinéaste italien engagé, l'auteur de «la Bataille d'Alger» meurt à 85 ans.
Martin Scorsese reçoit un Lion d'or – pour l'ensemble de sa carrière – à Venise des mains de Gillo Pontecorvo, au 52e Festival de Venise, en septembre 1995. Gillo Pontecorvo a fait jouer Emmanuelle Riva dans «Kapo». (© Vincenzo Pinto / Reuters)
publié le 14 octobre 2006 à 23h41

Gillo Pontecorvo, mort jeudi à Rome à 86 ans, restera dans l'histoire du cinéma à un double titre, qui en fait en France aussi bien un repoussoir pour cinéphiles qu'une icône politique de gauche. Il est à la fois le réalisateur de Kapo (1959), premier film occidental consacré à «remettre en scène» un camp d'extermination nazi, et de la Bataille d'Alger (1965), reconstituant l'un des épisodes les plus sombres de la guerre d'Algérie.

Kapo a été dénoncé comme un film obscène. Ce que Jacques Rivette reproche au film, dans les Cahiers du cinéma de juin 1961, est moins son sujet, peinture terrible d'un camp de la mort, que sa forme : avoir reconstitué l'horreur avec un souci esthétique, l'extermination y devenant une chose «joliment filmée».«Voyez dans Kapo, écrit Rivette en prenant à témoin son lecteur de l'abjection d'un passage où Emmanuelle Riva se suicide en se jetant sur les barbelés, l'homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n'a droit qu'au plus profond mépris.» Cette phrase de Rivette détermine le point de vue éthique sur le cinéma d'une génération de critiques et cinéastes, qui se reconnaîtront dans un autre texte, de Serge Daney, comme un miroir, le Travelling de Kapo (in Trafic, automne 1992).

En 1966, Pontecorvo reçoit le Lion d'or