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Libération
Critique

«Là-bas», voyage en appartement

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Chantal Akerman explore Israël accoudée à sa fenêtre.
publié le 25 octobre 2006 à 23h48

Sa présentation en février au festival de Berlin nous avait laissé, à l'époque, un arrière-goût d'inachevé. Qu'est-ce qui n'irait pas dans Là-bas, le dernier Akerman, tourné en Israël ? Le film est incroyable de maîtrise, touchant même à un au-delà de la maîtrise, une démonstration de force à couper le souffle sur ce qu'on peut faire avec juste un cadre et du temps, sans quitter son appartement. Mais il reste aussi étrangement minuscule du point de vue du discours. Depuis février, les choses ont travaillé et, à revoir le film, on s'aperçoit à notre décharge qu'il y a un abîme entre le film que l'on attend (un peu seul, dans son coin de salle) et celui qu'un cinéaste peut faire (avec ses moyens, limités). Et que celui-ci est d'une honnêteté hallucinante. Duras faisait dire à la femme française qu'elle n'avait rien vu à Hiroshima. Ici, c'est l'inverse : elle a tout vu en Israël, mais elle ne dit rien. Elle fait semblant de n'avoir rien à en dire. Sinon cette difficulté à dire, cette impossibilité à donner un avis, qui devient progressivement le centre du film.

Calfeutrée. «Installation», le mot est employé aujourd'hui à tort et à travers, et Chantal Akerman a quand même réussi à en déployer le sens : le film, qui serait aussi à l'aise dans une galerie, n'est pas sur Israël mais sur comment la cinéaste fait cette tentative-là, de s'installer dans un appartement à Tel-Aviv et d'y trouver en elle des marques pour que naisse une image. Tout un chacun serait allé dans les rue