La nuit avant-dernière, Arte a diffusé le Dernier Caravansérail (Odyssées), film adapté par Ariane Mnouchkine du spectacle qu'elle créait sur les planches en avril 2003 avec le Théâtre du soleil. Toute l'argile du Dernier Caravansérail, sa matière de base, est formée de témoignages recueillis dans des centres pour réfugiés autour du monde, dont celui de Sangatte, à partir desquels Mnouchkine a entretissé une immense et somptueuse épopée. La tapisserie, cependant, est en flammes. Elle brûle d'un monde où se consument sous nos yeux morts les plus élémentaires valeurs de ladite humanité: un grand bûcher des innocents, qu'on les appelle exilés, réfugiés, clandestins, proscrits, miséreux, et qui s'écrasent par millions sur le mur de notre mépris, contre le fer de nos barbelés et finalement sous l'airain de nos lois.
De France en Turquie, d'Angleterre en Australie, la tragédie explosive, toute en tableaux incandescents successifs, se passe de mots et, à la fois, pourtant, ne passe que par eux : mots maladroits, précaires, déchirés, hâtifs, ou réduits à un espéranto english approximatif, ou malaxés par les traductions administratives. La construction du film, la profusion des vies témoignées, le «chorus» des acteurs distribués chacun dans plusieurs rôles, donnent ce sentiment de catastrophe massive, multipolaire et à laquelle on ne voit pas d'autre nom que celui de crime.
En 4 h 28 d'un galop impétueux, le Dernier Caravansérail, justement sous-titré Odyssées