L'expression «film phénomène», trop souvent gaspillée, s'applique idéalement à Borat (Leçons culturelles sur l'Amérique pour profit glorieuse nation Kazakhstan), qui poursuit son tour du globe triomphal et grossier, dans un bordel enfumé de faux-vrais, sous les éclats de rire universels, les recettes inouïes et les applaudissements de gratitude. La forme et la désinvolture du film de Larry Charles carburent à l'énergie d'une certaine jeunesse télévisuelle, mais son humour ne touche qu'à des questions adultes et profondes, qui le rendent d'ailleurs incompréhensible aux enfants comme aux trop jeunes ados.
Au phénomène Borat lui-même s'est conjugué un phénomène géopolitique dont on n'a pas encore bien mesuré les effets et dont ladite glorieuse nation kazakhe se déclare la première «victime». Mettons-nous une seconde à la place de cette nation ex-soviétique, qui n'existe en tant que telle que depuis quinze ans, mesure environ la taille de l'Europe de l'Ouest, dispose de richesses naturelles considérables, se modernise à grand frais et à très grand train et dont le Président fascistoïde rêve de faire connaître au monde entier toute cette gloire et cette beauté. La promotion négative et moqueuse du Kazakhstan par Borat a ruiné des années d'efforts officiels. Les investissements consentis par le président Nazarbaev dans la propagande touristique ou probusiness (auprès d'agences occidentales spécialisées dans «l'image nationale») n'ont rien p