On est où, là ? Des grenouilles musiciennes défilent devant la statue de la Liberté, des petites filles modèles de la comtesse de Ségur croisent des bouddhas animés, des hommes à tête de téléphone portable toisent des femmes à tête de télévision. Cette monstrueuse parade n'est pas l'hallucination d'un individu au stade ultime de la schizophrénie, mais le fruit de l'imagination d'un cinéaste majeur de l'animation mondiale, le Japonais Satoshi Kon. Paprika constitue la dernière merveille en date d'une oeuvre fondée depuis ses débuts sur la confusion fertile entre réel et imaginaire, mémoire et inconscient. «Le rêve naît de la réalité. Mais je suis persuadé que l'inverse est tout aussi vrai», explique ce quadragénaire élégant, tout de noir vêtu.
Kaléidoscope. Satoshi Kon a été découvert en Occident avec Perfect Blue, en 1999, une vision étonnante de la perte de soi et de l'aliénation mentale plus proche de David Lynch que de Walt Disney. Cette histoire d'une lolita pop abandonnant les variétés pour le cinéma et persécutée par un fan taré innovait par sa description de l'intimité psychique d'un personnage perdu entre réel et virtuel. Et dire que c'était un film de commande... Dans son second long métrage, Millenium Actress (sorti directement en DVD en France), Kon reprenait le principe du kaléidoscope narratif, mélange de passé et de présent, de récits de tournage et d'instantanés de la vie réelle, pour brosser un admirable portrait de femme et une his