On meurt plus facilement d'un arrêt du coeur que d'un arrêt sur image, mais tout le monde n'est pas dictateur. Nicolae Ceausescu est mort, politiquement, d'un arrêt sur image le 21 décembre 1989, lors d'une retransmission en direct d'un discours prononcé en catastrophe à la fenêtre de la «Maison du peuple» pour étouffer les manifestations qui agitaient Bucarest depuis le 16 décembre. La Securitate (la police politique) a pourtant assuré le Conducator que les 100 000 personnes réunies sont toutes gagnées à sa cause. La manif de soutien vire en quelques secondes à la bronca révolutionnaire, les sifflets couvrent vite la langue de bois dictatoriale. On demande à la chaîne nationale d'arrêter les frais et, pendant quelques longues secondes, avant de laisser place à la neige télévisuelle, l'image d'un dictateur débordé sur sa gauche, ne sachant plus vers qui se tourner, va se figer sur l'écran, signant son implacable arrêt de mort. Le siège de la télévision est tombé et il y a eu, pendant les quelques secondes de cet arrêt sur image, une passation de pouvoir : durant quatre jours, la télévision devenue rebelle livre le premier spectacle révolutionnaire retransmis 24 heures sur 24. Le lendemain, à 12 h 08, devant les caméras, l'hélicoptère présidentiel prend la fuite. Le 25 décembre, après un procès en forme de règlement de comptes expédié en quelques heures, le couple Ceausescu est exécuté.
Le cinéma a mis dix-sept ans pour dépasser cette époque agitée. Il a fallu cet âge avancé d