Menu
Libération
Critique

«Année» noire en bas des barres

Article réservé aux abonnés
Isabelle Czajka fait d'une jeune ado de banlieue en deuil le coeur de son beau premier film.
publié le 7 février 2007 à 5h54

On croit d'abord à un conte rohmerien : une adolescente cueille des baies sur un buisson. Mais la caméra panote, le champ s'élargit et l'on découvre la ville : ce n'était qu'une enclave de nature dans un dédale d'enseignes grises. Plus tard, le père de la jeune fille meurt. Le cimetière est dominé par l'ombre d'un supermarché Carrefour. Entre-temps, on aura avalé des kilomètres de ZUP en travelling de bus, univers minéral jouissant de sa belle indifférence.

Pour son premier long métrage (récompensé à Locarno), Isabelle Czajka, 44 ans, a voulu «savoir ce qu'il reste d'humain» dans un «environnement foncièrement mercantile». Elle a donc monté un récit à la troisième personne, où l'héroïne parle d'elle comme d'une autre et comme un livre, depuis le temps de cette «année suivante» qu'on ne verra pas dans le film. Ça se passe dans la banlieue indéterminée, ce genre de non-lieux qui, par leur incomplétude, résonnent avec le côté «pas fini» de l'adolescence. Emmanuelle (c'est son nom, plutôt bien trouvé pour une épiphanie ambulante) est blessée dans son deuil par le spectacle de sa mère, contente quant à elle d'être débarrassée du fardeau de l'agonie et amourachée de l'agent immobilier qui va vendre son appartement. La perte se répand ainsi dans le réel et se multiplie (perte de la maison, des amis, d'un sac même), sans hystérie, naturellement, pas même tragiquement, butant sur les marques omniprésentes : H & M, PhoneHouse, McDo... Emmanuelle reste droite dans c