Répondant à un ami photographe qui l'interrogeait sur Bob Dylan, William Eggleston, l'homme qui ne s'exprime que par des périphrases, a trouvé le moyen de se distinguer en balançant un truc génial en sept lettres bingo : «Bob is OK.» Il faut être, comme lui, un type distingué dans un milieu rural, un photographe légendaire et un mystère, un dandy et un punk (à sa façon), pour oser un truc pareil concernant un symbole de l'Amérique plus grand que lui encore. «Bob is ok.» Et Bill ? Bill aussi est ok. Enfin à sa façon. Il ne parle pas ou presque, joue du Bach en laissant échoir, d'un air seigneurial, quelques sentences définitives, caresse la manche d'un costume cousu sur mesure à Memphis, trempe ses lèvres dans un champagne, conduit des caisses qu'il serait impossible de garer dans Paris.
Silence. Il n'est pas comme on l'imaginait, il est pire encore. Donc parfait. Clone (jusque dans la voix) de William S. Burroughs, Eggleston est un monstre de concentration dont le regard fonctionne à la façon d'une fenêtre : il dévisage une fille allongée sur l'herbe au soleil de 16 heures, une lampe sur un plafond rouge, un container, une plante exotique, et il y fait entrer toute une cosmologie. Peu de photographies sont à ce point chargées de silence. Paradoxalement, c'est avec le rock qu'on a découvert Eggleston en Europe. Quand ses portfolios d'artistes étaient tirés à 5 ou 15 exemplaires, on était bien contents en caressant nos pochettes de Big Star (dont celle du deuxième