A la voir arriver à l'heure, robe à fleurs, chevelure sage et blonde, chaleureuse sans chichi, on a du mal à l'imaginer avec un tournevis dans le ventre, comme dans le film de Lynch, ou en train de renifler de la peinture en bombe, comme dans le premier film d'Alexander Payne, ou même à concevoir que c'est pour cette femme que tout récemment encore Lynch faisait l'homme-sandwich sur Sunset Boulevard à l'intention des membres de l'Academy («Oscar voters, go see Laura Dern»), accompagné d'une vache. D'une vache ?
Mais elle paraît ici chez elle, au Polo Lounge, le restaurant du Beverly Hills Hotel, la cantoche des stars. Elle y allait toute petite avec sa famille, surtout avec sa paniquante marraine, Shelley Winter. Elle se souvient de James Stewart qui prenait toujours cette banquette-ci, de Bette Davis qui fumait contre cet arbre-là, de Lucille Ball, son idole... Son idole ? Tous descendaient de leurs canyons respectifs... Et elle y vient maintenant pour le petit-déjeuner avec sa propre famille, Ben Harper et leurs deux jeunes enfants, même si le Polo Lounge est à au moins dix ou douze canyons du leur (ils sont voisins de Lynch, ce qui les met sur Outpost, dans les contreforts d'Hollywood).
Racée, Dern peut parler avec cette chaleur vaguement vieux Sud, ou la bouche pleine des pires gros mots, comme Lula, ou une des femmes qu'elle joue dans EMPIRE. «Je vois une fille avec un tas de rêves à la con dans la tête», lui dit Mary Kay Place, qui joue sa mère