Depuis sa projection confidentielle à la Quinzaine cannoise en 2006, Honor de cavalleria a remporté des prix dans tous les festivals où il est passé (Belfort, Turin...). Rencontre avec Albert Serra, l'allumé qui se cache derrière cette adaptation déviante de Cervantès.
Où le film a-t-il été tourné ?
Aux alentours de Banyoles, la petite ville de Catalogne, non loin de Figueras, où je suis né. C'était un endroit sauvage que l'on connaissait parfaitement bien, où on allait souvent les uns et les autres. Les acteurs aussi viennent de là. Quand je les voyais passer en ville, le maigre et le gros, je voyais déjà le film.
Honor de cavalleria est-il vraiment une adaptation du Don Quichotte de Cervantès ?
Non, c'est une adaptation de ce qui se passe entre les chapitres du livre. Dans cette petite page blanche, on peut rêver aux deux hommes se parlant à peine, ne faisant rien.
Comment met-on en scène ce rien ?
Je mettais la caméra assez bas, au niveau des herbes, postée loin, un peu comme un espion. Quant aux acteurs, je leur expliquais la situation, mais je ne leur donnais pas le texte. Je le leur hurlais pendant la prise, et ils répétaient après moi (on a effacé ma voix au mixage). Souvent, Quichotte dit une chose et Sancho, qui s'attendait à avoir à répondre immédiatement, devait attendre quelques minutes avant que je ne lui souffle sa réponse. Pendant ces minutes de suspension, ils avaient l'ordre strict de ne jamais s'arrêter de jouer, de ne pas regarder la caméra. Ils devaient continuer à contempler le ciel ou le temps qui passe. Certaines prises ont duré comme cela près de quarante minutes. Je n'ai cherché que la bea