David Perlov était cinéaste, plus exactement diariste. De 1973 à 1999, son quotidien a été consigné, d'abord en 16 mm puis en vidéo. Combien sont-ils au monde à s'être ainsi filmés jour après jour, suivant une comptabilité de fer maniaque ? Il y a Jonas Mekas, Joseph Morder, Boris Lehman et David Perlov. Les comparer ne tiendrait pas debout : cela reviendrait à jauger de la grandeur de leurs vies respectives. Or, tenir son journal filmé ne protège ni de l'ennui de vivre ni des temps morts, ne garantit en rien une existence épique, et n'autorise pas toujours la rencontre avec des hommes et des femmes remarquables. On ne consigne que ce qui nous arrive, et ce qui nous arrive, en général, nous n'y sommes pas pour grand-chose. Il n'est pas non plus exclu que nous soyons justes les spectateurs impotents de nos propres vies.
Pudeur. C'est sans doute la première morale du journal de Perlov, à la fois inégal et passionnant (comme toute vie), il accueille avec la même placidité les moments où rien ne semble possible et ceux où l'Histoire avec un grand H met le pied dans la porte de son intimité (guerre du Kippour, opération Paix en Galilée). Perlov a tourné Diary sur vingt-sept ans. Après quoi, tombé malade, il lâchait avec peut-être une pointe de regret dans la voix des sentences dures, telles que «quand je filme un journal, le film remplace la vie». Il est mort (en 2003), et avec lui s'est éteint le journal. C'est une lapalissade ? Pas tant que ça : Perlov a cette part