Tokyo de notre correspondant
Young Yakusa, le nouveau film de Jean-Pierre Limosin, a été tourné durant un an et demi au Japon, au gré d'une dizaine d'allers et retours entre Paris et Tokyo. A mi-chemin entre le documentaire d'un ethnologue et un film réaliste à peine mis en scène, c'est un coup de force qui risque fort de diviser les spectateurs. Limosin a mené à bien un projet pour le moins osé et a priori impossible : filmer la vie de bureau et les rituels d'un gang yakusa (la mafia japonaise) sans montrer ni violence ni illégalité.
Bagout monstre. Le film est né un soir à Tokyo entre Limosin et un chef mafieux. Le courant passe aussitôt entre les deux hommes. Le yakusa parle de cinéma, pose des questions sur la trilogie des Parrains de Francis Ford Coppola. Quelque temps plus tard, c'est lui qui demande au réalisateur de Tokyo Eyes (1997) si filmer la vie de son gang l'intéresserait. Il n'y a aucune familiarité entre eux. Tout les oppose. Homme fort de Shinagawa, un quartier d'affaires très animé de la capitale, ce yakusa est patron d'un groupe appartenant à un des cinq grands gangs du Japon. Fort en gueule, doté d'un bagout monstre, il décide, ordonne, tranche, gère ses affaires avec poigne et distribue des enveloppes de cash à ses fidèles reconnaissants. Son gang survit malgré la crise économique et des contraintes qu'on devine. Qu'importe. Le pari est lancé et le défi relevé. Un contrat moral relie désormais le cinéaste et son personnage. «Au débu