Keisuke Kinoshita (1912-1998) aura joué de malchance. Quand, après dix ans d'assistanat, il obtient enfin le droit de tourner son premier long métrage en 1943, le Port en fleurs se retrouve en concurrence avec le premier film d'un autre débutant prometteur : Akira Kurosawa. Et quand Kinoshita pourrait postuler au statut de grand maître après la disparition de Mizoguchi et Ozu, il est ringardisé par les jeunes gens en colère de la nouvelle vague (son ancien assistant Yoshida, Oshima, Imamura...). Il faut dire qu'il n'y met pas toujours du sien. On a beau aimer pleurer au cinéma, le pathos régulier comme une horloge des Vingt-Quatre Prunelles (la vie d'une institutrice et de ses douze élèves, scandée par autant de retrouvailles que de séparations) finit par lasser. Et il faut une sacrée conscience professionnelle pour regarder un film sur les séquelles de la bombe atomique (les Enfants de Nagasaki) qui débute par un discours de Jean Paul II.
Pourtant, comme aurait dit feu le pape, n'ayez pas peur ! Un homme qui filme aussi bien les tombes et les rituels funéraires ne peut être un mauvais cinéaste. D'autant que l'oeuvre de Kinoshita, dont cinq films sont aujourd'hui disponibles en DVD, ne se limite ni aux chromos religieux, ni aux mélos tire-larmes. Derrière l'imagerie un rien kitsch de deux strip-teaseuses en goguette dans leur village natal, le satirique Carmen revient au pays est une étrange comédie musicale où Kinoshita, quarante-cinq ans avant La