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Libération
Interview

«Nous sommes insignifiants»

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Manoel de Oliveira évoque la création, artistique comme divine.
publié le 11 avril 2007 à 7h08

Le 12 décembre 2008, si Dieu le veut, Manoel de Oliveira aura 100 ans. Il a connu le muet, en tournant Douro en 1929, l'année où Luis Buñuel signait lui aussi son premier film, un Chien andalou. Buñuel est mort en 1977. Oliveira a recommencé sa carrière (interrompue trois fois) vers 1985, enchaînant depuis deux films par an minimum. Un cas. Un mystère, pour le cinéma comme pour l'existence. Entretien mi-philosophique mi-paillard, en français. Alerte, drôle, tout petit, tassé dans le salon d'un hôtel parisien, tandis que la pluie lave les rues, Oliveira parle autour d'une boisson marron à bulle vendue dans le monde entier : «Au Sénégal, une fois, vers 1989, alors que nous tournions Non ou la vaine gloire de commander, mon film sur la guerre coloniale, on se retrouvait toujours devant d'immenses affiches Coca-Cola. Et là vous vous dites : Où suis-je ? En Amérique ou en Afrique ? La vraie colonisation, économique commençait là : on ne pouvait rien boire d'autre !»

Vous improvisez beaucoup ?

Je simplifie. Le scénario est une chose et au moment du tournage je simplifie encore et encore. C'est la méthode. Au début, les choses sont compliquées, toujours. Je simplifie pour atteindre le nécessaire. Quand je pars en tournage je ne prends pas le scénario avec moi. J'essaye de me souvenir. Une fois sur place, j'agis au plus simple en voyant juste ce qui est nécessaire pour la scène. Je ne suis pas vraiment rationaliste. Je laisse faire l'instinct.

Dans Belle toujours, vous osez des plans en contrebande, comme celui pris depuis un balcon sur les Champs-Elysées...

Effectivement les gens ne savent