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Libération
Critique

Robbe-Grillet réalise ses fantasmes

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Un critique d'art poursuivi par une femme irréelle. Une jubilation SM.
publié le 9 mai 2007 à 7h39

Arielle Dombasle est une comédienne de rêve. On ne dit pas cela pour plaire à notre nouvel actionnaire BHL. Pas du tout. Elle ne l'avait pas rencontré qu'elle était déjà maligne comme un Marivaux dans Pauline à la plage. Et elle chantait aussi bien qu'une fée dans Perceval le Gallois, autre film de Rohmer. Dans Gradiva, elle exhibe un corps de nymphette hallucinatoire, d'autant qu'on y apprend qu'elle n'a ni 48 ans comme elle le prétend, ni 53 selon sa bio officielle, mais environ 195, puisque Delacroix l'a dessinée dans ses carnets marocains de 1832. Et puis c'est dit dans le film : Gradiva est, sous le nom d'Hermione, «comédienne de rêve», c'est-à-dire qu'elle ne joue que dans les songes. L'expression s'amuse de son ambiguïté et c'est volontairement que cette Gradiva se tient à cheval entre sublime et ridicule.

Autodérision. L'idée d'aller voir un Robbe-Grillet n'a jamais fait écrouler de rire personne, a fortiori avec un titre qui fait référence à une étude de Freud. Il suffit qu'on se rappelle les kilomètres de sémiologie entassés sur son oeuvre par Christian Metz et autres comiques troupiers pour vouloir fuir à toutes jambes. Erreur. Ce film est bienfaisant parce que Robbe-Grillet est drôle, jubilatoire, (sur)doué d'autodérision à l'égard de ses fantasmes, depuis toujours. L'inspiration vient moins de Freud que de la novella originelle de Jensen, et de cette impression ressentie par le héros du livre poursuivant son obscur objet