La scène est saisie au vol dans une salle d'embarquement d'aéroport. Nous sommes à l'automne 2005. L'équipe de Carla Del Ponte, la procureure du Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, fait le débriefing d'une réunion avec le Premier ministre du Monténégro, Milo Djukanovic, au sujet des criminels de guerre en fuite. «Vous avez entendu la conclusion ?» lancent les collaborateurs de la procureure. «C'est-à-dire ?» interroge Del Ponte. «On n'aura jamais Karadzic.» Le visage de la magistrate se ferme, la tête pivote, le regard dérive hors champ. Elle lâche deux «oui» de lassitude et d'agacement rentré.
A nouveau, comme une énième piqûre de rappel depuis qu'elle a été nommée en 1999, la procureure du Tribunal de La Haye est confrontée au temps qui presse et à sa liste de fugitifs : une brochette de photos de criminels, où figurent en tête Radovan Karadzic et Ratko Mladic, les chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie inculpés pour crimes contre l'humanité et génocide depuis 1995.
Escouade. En captant ce genre d'instants clés, Marcel Schüpbach a bâti un récit sobre et bien mené sur les coulisses de la traque aux bouchers des Balkans. Qui éclaire les guerres d'influence entre gouvernements et services secrets, explore le jeu des rumeurs et des pressions, s'attarde sur le choix d'un mot et décèle la superbe hypocrisie des Etats. Sa chronique donne à voir une justice internationale qui, bien qu'impressionnante et symbolique, n'en es