C'est une entreprise cinématographique suffisamment loufoque pour qu'on puisse s'y intéresser : trois réalisateurs à la tâche pour un seul film. D'où le titre, Triangle, dont ils seraient les trois angles. Mais chacun ne reste pas pour autant dans son coin. En poésie surréaliste, ce principe communautaire tient du cadavre exquis. Au cinéma, cela relèverait plutôt du coq-à-l'âne, avec risques afférents : qui fait le coq ? Qui fait l'âne ?
Si les trois cinéastes s'en sortent ensemble, sinon bras dessus dessous comme pour une virée alcoolisée, c'est qu'on les sent unis par une vieille et solide amitié, une même galaxie culturelle (l'Extrême-Orient chinois) quand, chacun dans leur coin, ils ont développé une oeuvre conséquente. Sont en effet à la manoeuvre, messieurs Tsui Hark (The Blade), Ringo Lam (City on fire) et Johnnie To (Election 1 et 2). Pour définir cette collaboration, Ringo Lam explique s'être inspiré de la poésie chinoise, «lorsqu'un père y prend la suite d'un autre, complétant la structure et le sens de la composition».
Broderie fine. Sur le canevas d'une ténébreuse affaire de hold-up d'un trésor antique enfoui sous un bâtiment officiel de Hongkong, ils brodent mais chacun a choisi son carré de tapisserie. A Tsui Hark la première partie, à Ringo Lam la deuxième, à Johnnie To le soin de conclure. Ce qui fait qu'entre les trois, notre coeur peut balancer et s'enflammer majoritairement pour la phase Johnnie To du film, qui réduit l'ac