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Libération
Critique

Honoré enchantant

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publié le 19 mai 2007 à 7h50

Au petit matin, Christophe Honoré est un jeune homme éternel qui se tient devant la tombe de Jacques Demy. Il n'a pas bien dormi, il est mal rasé, il a relevé le col de son manteau d'hiver. Il se tient comme on se tient devant la sépulture d'un proche. Mélancolique et droit. Il sait que le corps s'est dissipé, est retourné au fatras moléculaire dont nous procédons. Mais où est passé le reste ? Où flotte l'esprit, ce qu'un mort transmet à ses survivants ? La question vaut pour n'importe qui. Pour un cinéaste, elle prend une tournure particulière : il reste les films, il y a le cinéma qui consiste toujours à filmer la vie des morts.

Tel l'Orphée de Cocteau guidé dans les limbes par l'ange Heurtebise, Christophe Honoré se glisse dans un cénotaphe en chantant et enchanté. Demy l'habite et une troisième Demoiselle de Rochefort danse en lui. Et voilà son film, exécution testamentaire grand genre, et voici ses Chansons d'amour, elles, singulières et inédites, qu'il nous plaît de fredonner d'un trait en écho privé : «T'en va pas comme ça/Ne me quitte pas/Il n'y a pas d'amour heureux/Sorry Angel», et surtout quelques vers de celle-ci, d'Elli et Jacno, qui est cité a cappella dans le film et qui en est la meilleure critique possible, «Amoureux solitaires dans une ville morte/Amoureux imaginaires après tout qu'importe !/Que nos vies aient l'air d'un film parfait». C'est-à-dire à Paris aujourd'hui, dans un quartier du centre-ville que l'on reconnaît, mais qui