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Critique

Chili con larmes

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Un certain regard. Dans «Calle Santa Fe», un documentaire pudique mais bouleversant, Carmen Castillo raconte à la fois son drame personnel et un pan de l'histoire du Chili, celle du putsch de Pinochet.
publié le 23 mai 2007 à 7h54

Elle était historienne, mais c'est justement l'histoire, la grande, la tragique, qui l'a rendue cinéaste, plus particulièrement documentariste, même s'il lui aura fallu plus de trente ans pour trouver la force de tourner la plus proche et toujours brûlante des histoires : la sienne. Carmen Castillo est ainsi retournée au Chili, qui l'a vu naître et qui faillit la voir mourir, ce 5 octobre 1974, dans la rue Santa Fe, qui traverse un faubourg populaire de Santiago. Elle était enceinte, tomba dans le coma, perdit tout son sang. Au réveil, à l'hôpital, l'enfant qu'elle portait était mort et le père de celui-ci aussi : Miguel Enriquez, chef de la toute fraîche résistance clandestine à la dictature de Pinochet, son fier et beau compagnon, dont elle ne se console pas, aujourd'hui encore, d'avoir perdu la compagnie.

Retenue et entêtée. Le long travail entrepris par Carmen Castillo pour reconstituer les circonstances de cette catastrophe personnelle superposée à une catastrophe politique est de ceux que l'on n'oublie pas. Avec une patience retenue et entêtée, elle collecte d'innombrables témoignages qui n'ont pas pour seule ambition d'honorer les morts mais au contraire d'édifier les vivants.

Ne pas s'imaginer pour autant que Calle Santa Fe ne carburerait qu'au chantage politico-affectif. C'est à l'inverse avec une terrible pudeur que la cinéaste enveloppe les témoignages les plus bouleversants, ne s'y attardant jamais, les absorbant illico dans son magnifique regard, les enchâ