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Libération
Portrait

La confession pudique

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Jean-Pierre Limosin, 58 ans, réalisateur. Son film, «Young Yakuza», suit le quotidien d'un clan de gangsters japonais.
publié le 23 mai 2007 à 7h54

Chez les yakuzas, ces gangsters japonais, une tradition veut qu'on se coupe un doigt pour signifier son allégeance. M. Komagai, responsable du clan filmé dans sa vie quotidienne par Jean-Pierre Limosin, n'applique pas cette pratique : elle désigne les yakuzas à une société qui n'en veut plus. M. Komagai est aujourd'hui à Cannes, avec le réalisateur, sur une jolie terrasse avec vue. Il porte un survêtement bleu marine. Sa montre en argent est à l'heure de Tokyo. Dans la conversation, il est attentif, ironique, ferme et courtois. Son regard vous cloue et ne vous lâche plus. Il a 45 ans et tous ses doigts.

Force du regard. En l'écoutant, Jean-Pierre Limosin s'est souvenu de son enfance dans un village du Val-d'Oise. Sa mère était ouvrière agricole et son père, menuisier : «C'était un univers sans images, sans livres, presque sans mots.» Lorsque le père rentrait de l'usine, l'enfant avait peur de découvrir ses doigts coupés. Cinquante ans ont passé. Jean-Pierre Limosin a tourné des fictions, comme Tokyo Eyes, des documentaires sur Alain Cavalier ou Takeshi Kitano, qu'il préfère ne pas appeler ainsi, «car le documentaire ça n'existe pas, dès qu'il y a une caméra tout est dénaturé». Il a un moment abandonné le cinéma, «car tout [l]'énervait dans ce milieu où on ne laisse pas vivre les idées». Cinquante ans ont passé et, à quelques mètres de M. Komagai, il tient immobile sa longue silhouette discrète, embarrassée, un peu voûtée. Ce qui semble les unir l'