Festival du chef opérateur, la suite : Béla Tarr, 52 ans, Hongrois hiératique, auteur du chef-d'oeuvre au long souffle Satantango (neuf heures de pluie diluvienne en plan fixe) et considéré comme un maître par ses pairs (Fan numéro 1 : Gus Van Sant), présente enfin son film maudit, cet Homme de Londres adapté de Simenon et tourné à Bastia, avec des acteurs internationaux articulant du hongrois sous Tranxene. On connaît les péripéties du tournage (du port de pêche qu'il a fallu vider jusqu'à l'interruption pour cause de décès de son premier producteur, Humber Balsan) alimentant une certaine attente, même chez les plus rétifs à la grand-messe de beauté : après tout, mieux vaut Tarr que jamais.
Aux suites d'une lutte acharnée avec le sommeil, lâchons le morceau : l'Homme de Londres est le plus beau calvaire de toute l'histoire du cinéma la formule idéale pour vous avouer qu'on a perdu notre avis sur le film en cours de projection. Graphiquement, la sidération atteint son maximum, un à un les cadres majestueux surgissent dans un noir et blanc revenu de tous les expressionnismes possibles. Mais comme la maison Tarr ne donne rien sans rien, il faut s'appuyer deux heures d'une même ritournelle à l'accordéon triste, montée en boucle, un truc à vous coller un flingue sur la tempe. Et Simenon ? Le maestro n'en a retenu qu'un canevas, qu'il s'est fait ensuite un point d'honneur de ne pas filmer. Le tout vend une certaine idée du génie artistique comme de sa vanité