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Libération
Critique

Le Sud bien profond

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Les liaisons dangereuses d'un Oncle Tom et d'une jeune obsédée sexuelle aux confins du Tennessee. Ou quand le puritanisme et le blues se mettent en ménage. Un film gênant à en devenir esthétique.
par BAYON
publié le 30 mai 2007 à 8h00

Supposons un mariage contre nature (et honteux) de Mississippi Burning et de la Symphonie pastorale, un hybride de Baby Doll et Noce blanche (avec Samuel Cremer et Vanessa Ricci), on serait encore loin du compte... Pour cadrer l'innommable projet cinéphilique de saison Black Snake Moan («le Grognement du serpent noir» ­ ou «le Serpent noir gluant»), il faudrait de surcroît ajouter à ce goulbi-gombo grand écran de trou du cul du rêve américain un peu de Dame aux camélias (la Marguerite phtisique courtisane du jour oublie, il est vrai, de partir de la caisse en cours de route ­ et de routiers), un rien d'Obsédé ­ et plus si affinités Histoire d'O revue Tennessee Williams et corrigée SuperVixens soft.

Black Snake Moan est un blues. Un moaning blues donc, comme le titre l'indique. Le blues est un mode musical noir de noir, spécifiquement attaché à la déportation massive des Africains ancêtres de l'écrivain Nobel Toni Morrison ou du pasteur pacifiste assassiné Martin Luther King vers l'Amérique, c'est le chant de la damnation, de la fatalité plombée, des fers et du mal du pays, de la ségrégation et de la joie grise coûte que coûte. Musique de la perte, de la chair jamais domptée, de la patience plaintive et de la crudité déchaînée.

Le blues à la clef du film torve Black Snake Moan est non seulement affiché, mais prouvé et montré, c'est-à-dire parlé, grommelé (moanin'), chanté. Au prégé