Trois femmes dansent devant un cercueil, un rasta bondit sur l’autel. On enterre une icône de la culture dancehall, la version moderne du reggae, qui rythme le quotidien des Jamaïcains depuis quinze ans, avec un tempo irrésistible, des paroles outrancières, racontant les violences, les ébats sexuels des uns et des autres. Gerald Levy dit Bogle, d’après le nom du rythme et de la danse qu’il a créés, a été tué à la sortie d’une boîte... à cause d’un combat de coqs. Un bad boy, ce Bogle, un punk qui portait collier de chien et manteau long cache-poussière. Sa chorégraphie emblématique, que les jeunes Jamaïcains répètent en boîte et en sound system le week-end, le montre moulinant les bras dans le vide avec trois doigts tendus en l’air qui simulent le port d’arme à feu : «Bogle n’a jamais été ennuyeux, à l’image de ses funérailles», dit un commentateur télé à son enterrement.
Epoustouflant. Pulsion de vie, pulsion de mort. Jouir, danser, tchatcher, chanter, rouler des mécaniques, brandir son arme, secouer son derrière, prier, fumer son herbe : c’est la Jamaïque. C’est ce que raconte en tout cas Made in Jamaïca, le film de Jérôme Laperrousaz qui revient dans l’île des Caraïbes et notamment à Kingston, «800 000 habitants, 300 studios d’enregistrement». Près de trente ans après son premier film sur le reggae, Prisonners in the Street, Third World, encensé à Cannes en 1980. Deux jours avant sa mort, Bogle participait à la première jour